Agriculture bio : l'éthique sans le label

Chez Plum’Laine, une ferme en Côte d’Or, Marie et Didier élèvent poulets de chair, agneaux, chèvres, lapins et poules pondeuses. Avec le souci constant du bien-être de leurs bêtes et la volonté de ne pas nuire à l’environnement, ils ont pourtant choisi de ne pas adhérer au label bio.

Sur les marchés, les clients leur demandent régulièrement si leurs poulets sont bio. « On répond oui et non, en précisant d’emblée que nous n’avons pas le label », explique Marie. La jeune femme s’est installée en tant qu’agricultrice depuis cinq ans. Avec Didier, son compagnon, ils ont créé Plum’Laine, une ferme pédagogique qui produit des poulets (1.500 par an), des agneaux, quelques œufs, des lapins et des fromages. Ils écoulent leurs marchandises via des Amap (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), sur les marchés, directement à la ferme et livrent des particuliers sur Dijon et Paris. De la conduite d’élevage aux modes de distribution en passant par le choix de leurs fournisseurs, toute l’activité répond à un besoin militant de pratiquer une agriculture de proximité et respectueuse des hommes, des bêtes et de la nature.

Privilégier le local

« Au début, on ne s’est pas dit qu’on allait viser un label. Mais on ne voulait pas produire quelque chose de chimique ou de destructeur pour l’environnement ». Ils se forment à la médecine vétérinaire par les plantes, apprennent à limiter le recours aux traitements en agissant préventivement, choisissent des races variées pour leurs 10 chèvres et 50 brebis, adaptées à leur climat et leur mode de fonctionnement… Marie suit plusieurs formations sur les soins vétérinaires alternatifs. « L’objectif, ce n’est pas zéro parasite, mais un équilibre. Le foie, qui est un organe important dans la gestion des toxines n’est pourtant jamais pris en charge par les vétérinaires conventionnels. Nous, on fait des tisanes de plantes, des préparations homéopathiques, on observe les animaux ». En apprenant à gérer l’alimentation et la prévention de l’immunité, ils ont réussi à supprimer presque tout traitement médicamenteux.

Chez eux, l’alimentation n’est pas toujours issue de l’agriculture biologique. Leur production n’est donc pas réellement bio à proprement parler. « Mais si c’est pour faire venir du maïs bio d’Amérique du Sud, ce n’est pas la peine ! », lance Didier. Le surcoût des aliments bio est aussi un frein pour le couple, tout comme l’impact des transports qu’ils évitent en se fournissant directement chez leur voisin, un producteur céréalier conventionnel dont ils connaissent les méthodes de production. Seuls les poussins sont nourris avec un aliment certifié AB. Pour les poulets plus âgés, ils ont mis au point un mélange de céréales dont les proportions sont adaptées à leur élevage. Alors que le label bio demande de ne pas tuer les poulets avant 81 jours, les leurs vivent entre 90 et 120 jours, en fonction des besoins de leurs clients. L’objectif est de privilégier le local et eux préfèrent largement la reconnaissance de leurs clients à celle d’un label. « En animal, des conventionnels peuvent entrer dans le label AB seulement en changeant l’alimentation. Les bêtes mangent bio, mais les traitements restent les mêmes, la conduite d’élevage n’est quasiment pas prise en compte et tu peux presque faire du hors-sol », dénonce Marie.

Le couple ne se reconnait pas dans le label AB qu’ils estiment « galvaudé et rattrapé par l’industrie ». S’ils devaient en choisir un, ils opteraient pour Nature et Progrès, plus proche de leur mode de travail. « Mais ça ne nous apporterait rien. Les clients nous font confiance, ils voient comment on fonctionne, ça leur semble cohérent ». Et puis, « on est déjà assez contrôlés pour les aides de la PAC, le label serait un carcan de plus. Parfois, sur une ferme, tu as besoin de faire appel au système D. Si tu manques de foin, tu l’achètes où tu peux. Le label va t’empêcher de te débrouiller », explique Didier. Quant aux aides que cela pourrait leur procurer, elles ne fonctionnent qu’avec la certification AB. « On a des collègues en bio qui veulent qu’on passe en AB pour nous acheter nos produits, mais c’est eux qui sont empêtrés ». Ils estiment que le label AB pourrait au mieux leur apporter quelques Amap supplémentaires. « Mais pour nous, le but n’est pas de vendre le plus possible, mais de vivre avec ce qu’on fait ».

Sonia

Pour aller plus loin : Labels, le bio et le moins bio


Cet article est tiré du dossier sur les deux visages de l'agriculture bio paru dans le magazine papier Lutopik #5.Ce magazine fonctionne sans publicité ni subvention et ne peut continuer d'exister que grace à ses lecteurs. Si vous appréciez Lutopik, vous pouvez vous abonner, commander un exemplaire (rendez-vous ici) ou nous faire un don.

Sommaire du dossier Bio commerciale et bio paysanne paru dans Lutopik #5 :

Les deux visages de l'agriculture bio, page 4

Le bio prend du volume, page 7

Labels, le bio et le moins bio, page 10

L’éthique sans le label, page 13

Poulets bio à la sauce Duc, page 14

Biocoop à l'épreuve du business, page 16

Permaculture : l'agriculture de demain ?, page 18

Commentaires

Et, donc, bien entendu, c’est évident, tuer ces innocents est bien la preuve du « souci constant du bien-être de leurs bêtes ». Ce n’est malheureusement pas parce qu’une saloperie est habituelle qu’elle est « normale »…