Chantier paille aux Roches

Isoler, voire même ériger, sa maison avec des bottes de paille est l’une des options préférées des auto-constructeurs qui désirent un habitat écologique et sain. Avant de se lancer et pour se familiariser de manière conviviale et instructive avec cette technique, rien ne vaut un chantier participatif, où théorie et pratique se croisent.

En bordure du parc du Livradois Forez, quelques centaines de mètres au-dessus de la Loire, le hameau des Roches en Auvergne offre un panorama splendide. Hervé a racheté ici, il y a quelques années, un terrain en friche sur lequel se trouvait une ruine. Il y a trois ans, il a démarré la construction d’une grande maison dont l’isolation est assurée avec de la paille, « attractive pour ses critères écologique, thermique et économique, quoique ce dernier point puisse être discutable car la paille ne remplace que le coût de l'isolant », affirme-t-il.  Hervé sait de quoi il parle, il utilise ce matériau en tant que professionnel depuis 2008. Pour profiter de ses compétences et acquérir une expérience de la construction paille, une quinzaine de personnes sont venues en Haute-Loire rejoindre l’une des sessions du chantier participatif.

Les parcours, les âges et les motivations des participants à ce stage sont variés. Beaucoup caressent le rêve de construire et d’habiter un jour une maison à la fois saine et abordable. « La paille est quelque chose que je sens bien », s’enthousiasme Marie-Christine. Sans avoir encore de terrain ou de véritable projet concret de construction, elle sait néanmoins qu’elle a « envie d’habiter dans autre chose que du béton ». Chloé, une jeune architecte qui s’ennuie dans son cabinet en Belgique, « préfère la construction à la conception ». D’autres sont là pour avancer dans leur « réflexion globale de projet de maison ». Gilles, touché par les méthodes de rénovation traditionnelle en torchis a « voulu voir si c’était possible de le faire soi-même ». Violaine, elle, est venue « pour toucher la matière, sans attentes particulières, si ce n’est dans une optique de découverte ».

Une maison bioclimatique

La paille, qui a attiré ce petit monde, est posée depuis quelque temps déjà sur le chantier. L’heure est aux finitions. La construction de 126 m² sera terminée dans quelques mois et les activités pour cette semaine ne manquent pas. Tour à tour, chacun s’exerce aux différents postes de travail. Certains nettoient par exemple les tomettes de récupération que d’autres posent au sol. Il faut aussi monter les dernières cloisons intérieures en remplissant les coffrages avec un mélange de terre, d’eau et de paille. Cette technique est  intéressante dans le cadre d’une construction paille car elle augmente l’inertie thermique. Les parois emmagasineront la chaleur de la journée et réguleront la température dans la maison. Les petits murets de terre placés devant les baies vitrées, face au sud, auront le même rôle. Tous ces éléments font partie intégrante de la conception d’une maison bioclimatique, tout comme l’utilisation au maximum de matériaux locaux et biodégradables. L’enduit de finition sera réalisé avec un mélange d’eau, de terre et de crottin de cheval que l’on tamise à l’extérieur et que l’on applique méticuleusement avec truelle et taloche à l’intérieur.

« Dans les stages, tout le monde est gagnant. Même si ce n’est pas parfait, les travaux sont quand même effectués et des connaissances sont apprises gratuitement », se réjouit Marion. Elle souhaite aussi s’inspirer de l’organisation du chantier pour son propre projet de rénovation. « J’ai choisi de venir ici car je savais qu’il y avait à la fois de la théorie et de la pratique », ajoute-t-elle. Dans la semaine, Hervé propose deux demi-journées de formation où il partage son expérience de l’auto-construction en général, des caractéristiques spécifiques de la paille et des différentes techniques de construction utilisées avec ce matériau. Un temps est aussi prévu devant un mur de démonstration pour s’entrainer à poser des bottes de paille dans une ossature bois. Tout le monde retiendra que c’est une étape très physique : il faut les faire rentrer en force, compresser la pile verticalement à l’aide d’un cric ou d’un vérin et la maintenir sous pression avant de placer la dernière. Mais rien d’insurmontable : ces constructions restent  à la portée de tous à condition de prendre quelques précautions et de bien savoir s’entourer.

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La paille, un art de vivre 

Les conseils d’Hervé sont précieux. Après des années passées dans la construction conventionnelle, il lance en 2008 son entreprise spécialisée en ossature bois et isolation paille, « un produit qui possède une crédibilité technique indéniable ». Au départ, son approche est purement économique, « je voulais me lancer sur un marché de niche ». Pour lui, la paille sera bien plus qu’un succès commercial. « La paille fédère des interrogations, d’autres regards.  Au fil du temps, j’ai rencontré des gens en décalage avec le monde conventionnel et je me suis ouvert à des comportements alternatifs ». Son entreprise, qui était aussi une structure d’insertion, employait jusqu’à 15 personnes. « C’était devenu trop compliqué, ce n’était plus le même boulot ». Cet été, il a transformé son affaire en association (Naturel Home) pour aider ceux qui veulent se lancer dans la construction paille. « Tout le monde connait la paille, ce n’est pas un produit technique, transformé ou nouveau et en plus, elle est abondante ».


Construire en bois et paille

Il existe plusieurs façons de construire une maison en paille : les bottes peuvent faire office de murs porteurs ou bien seulement d’isolant. Dans tous les cas, il est primordial de tasser la paille pour lui donner ses propriétés d’isolation et de résistance au feu. Il faut également la protéger avec des enduits, constitués en général de terre puis de chaux. Voici un aperçu des principales techniques de construction de maisons en paille.
D'après les infos d'Hervé Blandin

CST (cellules sous tension)  
Les bottes sont placées en pression entre des montants en bois, des liteaux sont vissés entre chaque rangée puis les ficelles des bottes sont coupées une fois la façade terminée afin que la paille occupe tout l'espace.
Avantages : l’ossature est basique, ce qui réduit les coûts et il est possible de faire appel à l’association Botte Mobile pour démarrer le chantier.
Inconvénients : Il faut bâcher en cas de pluie et la construction devient délicate dans les régions venteuses et enneigées puisque les bottes jouent le rôle de contreventement dans la structure.

Poteaux-poutres 
S’inspirant des maisons à colombages, cette méthode nécessite deux structures en bois : une porteuse constituée de poteaux et de poutres et une autre plus légère qui maintient les bottes de paille. 
Avantages : esthétique avec ses poutres apparentes, cette technique permet de travailler à l'abri des intempéries.
Inconvénients : Il faut faire appel à un charpentier pour concevoir la structure et prévoir des engins de levage à cause du poids des poutres et des poteaux. Il faut aussi mettre en oeuvre deux structures au lieu d'une.

Nebraska  
Les bottes, assemblées comme des legos, constituent la structure porteuse.
Avantages : c’est la moins chère des techniques puisqu’elle nécessite peu de bois, et elle est assez résistante.
Inconvénients : la construction demande du temps. De plus, à cause du tassement inévitable de la paille, le bâti va jouer pendant un an donc il sera nécessaire de refaire les enduits. Enfin, le chantier est exposé aux intempéries donc il faut bâcher.

GREB  
Les bottes sont insérées dans une double ossature en bois, les montants  reliés par des feuillards et des clous puis un mortier est coulé dans le coffrage.
Avantages : très solide, cette construction peut être réalisée avec du bois brut non raboté (moins cher) et il est possible de demander de l’aide sur le chantier à l’association Approche Paille. C'est une technique globalement peu onéreuse
Inconvénients : c’est très long, et là encore le chantier est exposé aux intempéries.

Double ossature  
La paille est insérée entre deux ossatures bois dont l’une au moins est porteuse.
Avantages : on peut poser la paille à l’abri des intempéries, le montage est rapide, en suivant les plans, les éléments sont manuportables et l’isolant étant à l’extérieur, on peut le reprendre facilement en cas de problème. L'association Naturel Home peut aussi fournir aide et conseils. 
Inconvénients : c’est la solution la plus chère et la plus technique en termes d'ossature bois (tous les éléments sont fabriqués en atelier).


Cet article a été publié dans le magazine papier Lutopik#5, sorti en septembre 2014.

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