Comté : un succès au détriment de l’environnement

ambiance_degustation_champetre_2013_avec_vaches-cigc_jean_pierre_van_der_elst.gifÀ l’instar de nombreuses filières AOP, le Comté, fierté fromagère régionale, n’a pas échappé à la course au productivisme. Cette intensification de la production, très localisée, provoque des pollutions qui mettent en péril la richesse écologique du terroir, pourtant nécessaire à la qualité du Comté.

Le Comté est une fierté pour les habitants de la région, mais il devient malheureusement aussi synonyme de catastrophe écologique. L’intensification des pratiques d’élevage depuis une vingtaine d’années est en grande partie responsable de la pollution des rivières franc-comtoises et de la chute de la diversité floristique observée dans les prairies. Les acteurs de la filière, qui ont fait du Comté un label de qualité, sont bien conscients du problème. Mais les considérations écologiques peinent à s’imposer face aux logiques productivistes et à la perspective de nouveaux marchés.

Le Comté est une institution qui remonte au moins au 13ème siècle quand les paysans ont mis leur lait en commun dans les fruitières. C’est la plus vieille AOC fromagère, la plus importante en volume avec 57.000 tonnes produites et 490 millions d'euros de chiffre d’affaires en 2012. Ce succès commercial et l’importance économique de la filière ont rendu les politiques très frileux sur le sujet. « L'évolution des méthodes de production de lait depuis 1990 ont mis l'AOP Comté, malgré son cahier des charges, en déséquilibre avec son territoire, les sols et les rivières. Cette réalité commence à être reconnue », note Marc Goux, du collectif SOS Loue et rivières comtoises.

L’impact sur le territoire est énorme. En Franche-Comté, 73 % de la surface agricole est destinée à la production d’herbe et de fourrage. À ce stade, on peut parler de monoculture, les prairies étant de plus en plus semées. La filière est structurée autour du CICG, le Comité interprofessionnel du gruyère de Comté, qui rassemble environ 2.800 éleveurs, plus de 150 ateliers de fabrication, dont 80 % sont des coopératives, les fruitières, une vingtaine d’affineurs et les distributeurs.

« Nous sommes la seule filière à avoir un cahier des charges aussi strict qui limite la fertilisation azotée des sols et l’alimentation des vaches laitières », se défend Claude Vermot-Desroche, le président du CICG. La filière contrôle la production de Comté avec l'attribution de « plaques vertes », un système de quotas.

Mais cela n’est semble-t-il pas encore suffisant. L’état des rivières se dégrade fortement depuis les années 70 et la filière Comté est montrée du doigt. « Il apparaît que la Loue et les hydrosystèmes proches présentent un déclin marqué des peuplements de poissons et d’invertébrés qu’ils hébergent », écrit l’Onema, l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, dans un rapport d’expertise sur les mortalités de poissons observées sur la Loue et le Doubs en 2010 et 2011. Aujourd’hui, c’est le Dessoubre, l'un des derniers refuges pour les amateurs de truites, qui est touché par la pollution et qui est à son tour interdit de pêche.

Pour l’Onema, l’augmentation de la population, les rejets d’eaux usées, l’augmentation des quantités de lait produites et les changements dans certaines pratiques agricoles ont un impact sur les flux d'azote et de phosphore dans la rivière. Si l’agriculture et la filière Comté n’en sont pas les uniques responsables, le collectif SOS Loue et rivières comtoises s’alarme qu’« en amont de Pontarlier sur le Drugeon, des analyses ont montré la présence de 504 molécules chimiques différentes, dont environ 330 d’origine agricole ». Pourtant, la nature des sols karstiques de Franche-Comté, qui favorise le transfert rapide des polluants de la surface aux réseaux souterrains puis dans les rivières, devrait inciter à réduire drastiquement les rejets.

L’Onema reconnait que l’azote en surplus dans les rivières est essentiellement d’origine agricole. Il est indiqué dans le rapport que « l’augmentation de la production de lait, qui génère plus de déchets azotés, couplée à l’épandage sur prairies de ces déchets, notamment sous la forme de lisiers, joue probablement un rôle dans l’augmentation constatée de cet élément dans la Loue ».

Le nouveau problème du lisier       bellefontaine-cigc_godin-(2).gif              

De plus en plus de fermes abandonnent le fumier au profit du lisier, beaucoup plus nocif pour l’environnement, car plus lessivable. Suite aux grosses pollutions, les choses ont un peu changé. La chambre d’agriculture a procédé à une cartographie des sites les plus sensibles, les plans d’épandages du lisier sont plus stricts et, en général, plus respectés.

Régulièrement, des pollutions volontaires sont tout de même constatées, comme un déversement de 25.000 litres de purin près de la source du Dessoubre, ou encore un agriculteur suisse qui répandait son lisier dans le Doubs. « Le problème de fond ce n’est pas l’agriculteur qui se débarrasse du lisier, mais les excédents structurels », explique Marc Goux. Un problème récent. « Avec les réglementions de mises aux normes des bâtiments agricoles, des éleveurs ont profité des aides pour investir dans des fosses à lisier. Ils gagnent une heure par jour, mais sont maintenant confrontés aux contraintes d'épandage de lisier, ils en ont beaucoup trop ».

L’autre grave problème induit par les nouvelles méthodes agricoles se manifeste par l’état des prairies. Les études du Conservatoire botanique de Franche-Comté montrent une nette baisse de diversité floristique sur les premiers plateaux à plus basse altitude, particulièrement en sol peu profond. L'un des auteurs, Julien Guyonneau, ajoute qu’il « constate globalement beaucoup de systèmes eutrophes, c'est-à-dire trop riches en nutriments ».

Seules 13 % des prairies fauchées de montagne et 5 % des prairies fauchées de plaine sont en bon état en Franche-Comté. Ces résultats ont été obtenus sur des zones Natura 2000, censées atteindre un haut niveau de qualité environnementale. « Ça veut dire que le reste est pire », se désole le botaniste. « Ce n’est pas parce que c’est une culture herbagère que c’est extensif. L’intensification se produit par plus d’apports en azote et par une augmentation du nombre de coupes ».

La stratégie de « l’herbe courte » se caractérise par une fauche prématurée. Une herbe plus verte concentre plus d’azote et stimule sa croissance. « On n’attend pas que le cycle des plantes soit terminé. Il y en a tout un tas qui ne supporte pas ces fauches précoces et elles disparaissent. L’autre cause est l’apport en fertilisation qui favorise le développement de certaines plantes au détriment d’autres. Dans un système de belle prairie, on observe entre 40 et 60 espèces par relevé de 50 m2. Quand la pression augmente, on diminue entre 20 et 30. Non seulement il y en moins, mais en plus ce ne sont pas les mêmes ».

L’évolution de la diversité florale a forcément un impact sur le goût et la typicité du fromage. Cela n’empêche pas une partie des éleveurs de pencher vers les logiques productivistes, qui aboutiraient selon la Confédération paysanne à « un produit bas de gamme et abondant ». Ce scénario pourrait être envisageable avec la suppression des quotas laitiers en 2015. « Certains rêvent de développer les exportations. Il y a des demandes qui viennent des États-Unis, de la Chine et du Quatar. Une augmentation des volumes dans les conditions actuelles de production constitue une menace pour l'avenir du Comté », se désole Marc Goux.

Le CICG est sur une autre position. Pour Claude Vermot-Desroches, « il ne faut pas augmenter la productivité, mais améliorer les pratiques agricoles pour limiter les impacts ». Cela ne signifie pas pour autant une stagnation de la production de Comté. « Si on peut développer de nouveaux marchés, la filière Comté augmentera ses volumes avec une production laitière stable. Sur 10 ans, cela pourrait représenter 1.000 tonnes par an ». Dans ce cas, de nouveaux éleveurs seront intégrés à la filière.

D’autres militent pour une baisse de la production, seule manière de réduire véritablement l’impact écologique. Pour maintenir le revenu des paysans, le prix d'achat du lait devrait alors augmenter. Les estimations pour parvenir à un Comté presque neutre sur le plan environnemental font état d'une hausse de un à deux euros par kilo de fromage. Certains plaident pour que ce surcoût incombe à la PAC, qui devrait alors diriger ses aides vers un axe environnemental plutôt que productiviste.

Zor

Photos : CIGC/Jean-Pierre Van Der Elst/Godin


Pression sur la Montbéliarde

Pour augmenter la production laitière, les sélectionneurs ont croisé les vaches à Comté, les Montbéliardes, avec des Holstein. « Il faut savoir que la Montbéliarde a pris 150 kg de poids corporel en 40 ans, et que sa rusticité montagnarde d'antan n'est bien souvent plus qu'un argument-terroir pour commercialiser le Comté », affirme Gérard Vionnet, paysan-naturaliste. « On a fabriqué des animaux qui, à cause de leur trop haute production et de leurs trop hauts besoins, ne peuvent pas passer un été sur un alpage du Haut-Doubs sous peine de carences de sous-nutrition !  C'est un comble, car c'est là qu'on fait les plus belles affiches de publicité pour le Comté : le chalet, la gentiane et les sapins, avec la vache dans le pré-bois ».

Pour peser face à la VLHP (vache laitière à haute production), Denis Michaud, éleveur, enseignant en BTS agricole et chercheur à l’Inra, a inventé la VLHQT (vache laitière à haute qualité territoriale). Une vache qui serait en phase avec son environnement, ne souffrirait pas de maladies liées à sa surexploitation et qui ne serait pas sélectionnée uniquement sur des critères de productivité laitière, indépendamment du fait de savoir si elle se nourrit normalement ou énormément.

Commentaires

La pollution agricole est sans doute exagérée pour les besoins d'une stigmatisation ponctuelle , en effet il faut compter 2t de raticide par agglomération de 15000h pour les seules campagnes officielles , ça fait du poison dans les collecteurs ! Quand au nokill la catastrophe des mentalités conduit à vendre des droits de peche à n'importe qui sans demander l'avis des poissons à qui il arrive de se faire arracher la gueule plusieurs fois par jour tant il y a d'amateurs pour ce plaisir frelaté ... alors le mauvais état des rivières se tient encore sur le bord ...

l'état de la machoire des poissons , cela me peine mais je on s'en tape royalement!!! ce qui est grave , c'est de se rendre compte que si ils crevent ce n'est pas pour un mal de dent!!!! et que si ils disparaissent, c'est qu'il y a un grave danger sanitaire pour l'homme juste derrière !!! alors ne discutons pas sur un tel ou un tel!! nos rivières sont assassinées par des malfaiteurs hors la loi.. nous sommes jusqu'à 7 fois plus pollué que la norme Européenne le tolère !! Etat, préfets, agriculteurs et exploitants forestiers, politiques véreux, communes et particuliers utilisateurs de désherbants, forment une association de malfaiteurs qu'il serait temps de juger et condamner... les citoyens au lieu de se rejeter la faute sur tel utilisateur ou tel sportif ( canoé -kayak )feraient bien d'exiger qu'enfin la justice fasse son boulot et nous débarrasse de ces mécréants

Le comté est déja devenu un produit de luxe (sauf à se fournir en direct des fruitières). Limiter la production va encore plus augmenter les prix. Une fois de plus ce sont les consommateurs de base qui vont souffrir. Adieu veaux, vaches, cochons ... et Comté !!!

Paradoxal: faut-il faire baisser la qualité du Comté pour que les pauvres puissent s'offrir du comté bas de gamme, les riches continuant à se payer du "vrai" Comté à prix fort? Ou continuer une lutte déjà amorcée (quoique à peine) pour que tous, riches ou pauvres, mangent de la nourriture de qualité?

c'est à cause de raisonnements comme ça qu'on arrive à une surproduction, et donc une pollution rapide, fatale pour la nature et les hommes, à une désensibilisation du rapport aux animaux et donc une maltraitance et plus une symbiose comme il devrait y avoir avec les animaux. Egalement, une baisse de la qualité de la production et donc une toxification de la nourriture, oui la notre. Il faudrait songer à tout ça avant de dire "il faut produire encore plus, sinon c'est trop chère"... Seul le consommateur peut enrayer une industrie toujours plus gourmande en argent, ressources naturelles, humaines... Nous ne pouvons pas continuer comme ça, à encore et toujours plus surproduire.

Mouais, pas très convaincant je trouve. Il faut bien nourrir les 7 milliards d'être humains qui peuplent notre planète, et personnellement je préfère assez nettement du fromage fait de cette façon que du fromage produit avec du lait de bêtes enfermée toute l'année et qui sont nourries avec du soja OGM venant de l'autre bout du monde... (c'est tristement ce qui se passe de plus en plus). Effectivement les méthodes de productions ont changé ces dernières décennies (comme dans tout le reste de l'agroalimentaire), mais ça reste tout de même bien mieux que ce qu'on peut trouver autrement.

donc il serait bon de manger du comté parce que les vaches de chez nous ne mangent pas d'OGM mais de la superbe herbe de nos prairies!!!! laissez moi rire !!!! 72 % de la flore dans les prairies du haut doubs a disparu !!! et les tonnes de lisiers épandus dans les champs polluent tout les cours d'eau !!! pas grave ça ???? alors quand vous mangerez du comté, vous boirez forcément du pinard car l'eau du robinet sera blindée de pesticides et d'excréments de cochons !!!! qu'il est triste d'en arriver à de tels constats !!! choisir le moins pire au lieu d'exiger le mieux !!!!!! Vous expliquerez à vos enfants que si ils ne peuvent plus se baigner dans les rivières, vous en serez responsable !!! ceux qui traficotent les OGM sont les mêmes que ceux qui nous balancent leurs produits toxiques et en Franche comté, ces produits on les connait bien aussi!!! alors laissez moi rire encore citoyen qui choisissent le moins pire.... vos choix seront bientôt nos cercueils et ceux de vos enfants !!! Comtois, rends-toi ! Nenni, ma foi.

Bien, mais que proposez vous de crédible et réaliste, parce que c'est ça le vrai sujet !

il faut simplement exiger de l'état qu'il respecte la norme Européenne sur la qualité des rivières !!! On paye l'eau du Robinet, on paye l'assainissement, on paye les toubibs quand on attrape une gastro qui vient de l'eau du Robinet, on paie les amendes à l'Europe depuis deux ans car nous ne sommes pas aux normes..... Et on laisse des milliers de cochons pisser et C.... dans nos rivières!!!! quand il s'agit de faire serrer la ceinture des Français pour tenir le fameux 3% d'endettement par an, le pouvoir ne s'emme... pas !!! Nous le savons tous... Alors exigeons de l'état qu'il fasse de même en ce qui concerne notre nature et nos rivières...