J'ai testé pour vous : la méthode de recrutement par simulation

Jouer à la dinette pour devenir serveur ou remplir des bacs à glaçons avec des objets de couleur pour postuler à un travail à la chaîne, bienvenue dans le nouveau dispositif test de Pôle Emploi. Voici le témoignage d’un ex-chômeur qui s’est plié à l’exercice.

Tout juste redevenu chômeur, j’apprends que pour postuler à un emploi saisonnier en Franche-Comté (voir encadré), je dois désormais passer un test de simulation. Par exemple, pour un poste de serveur, on te fait jouer à la dînette, m’explique Pôle Emploi en guise de première présentation. Pour le poste « opérateur de ligne industrie agro-alimentaire » (il s’agit dans mon cas d’emballer du fromage à raclette), je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Alors je me suis dit, « essayons toujours, ça restera une incursion ethnologique dans ce que trame aujourd’hui Pôle Emploi ».

Immersion bénévole

Me voilà donc à faire le forcing pour rentrer à la dernière minute dans ce nouveau dispositif-test. Pour la première étape, je suis convoqué à une réunion de présentation dans la salle décrépie de la mairie du bourg. En intro, une responsable de la fromagerie nous fait un topo historique sur sa boîte, mais malgré l’effort d’un ton voulu vibrant pour motiver le chômeur, c’est peine perdue. Puis la responsable du Pôle Emploi nous présente ce dispositif spécial. Agréé en 2007 par la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité), il est ouvert à tous, y compris aux débutants, et il  n’exige pas de CV... Cette formule s’adresse surtout aux chômeurs en reconversion, histoire de leur faire découvrir un autre domaine d’activités auquel ils n’auraient pas pensé tout seul… En bonus, elle offre la méthode d’évaluation par simulation.

    La responsable nous annonce que les tests se dérouleront la semaine d’après, que les résultats tomberont la suivante, et que si l’issue est favorable, tu gagnes le droit de faire un entretien suivi d’une période d’immersion d’une semaine à la fromagerie. Première surprise de taille, lorsque la question du cadre légal de cette immersion est posée (versus un CDD avec période d’essai), elle nous explique que l’immersion bénévole est une chance pour des chômeurs éloignés de l’emploi et qui souhaitent découvrir le métier. Tout bénef’ pour l’employeur ! Qu’on accepte le dispositif ou qu’on le quitte, la responsable nous assure qu’il n’y aura pas de sanction de la part de Pôle Emploi (ils sont vraiment trop bons comme négriers…). à ce moment là, un tiers des personnes présentes quitte la salle.

Ceux qui restent sont répartis en deux sections pour les tests, qui se dérouleront en quatre phases : interrogation écrite de compréhension de base du style « as-tu vraiment bien compris la consigne ? », suivie de trois ateliers pratiques. Ils ont été mis au point par les conseillers de Pôle Emploi avec les ouvriers de l’usine en fonction des « habilités » dont l’employé modèle doit faire preuve. Pour nous, ce sera la dextérité et le travail en équipe. Les ouvriers de la fromagerie ont passé ces tests avant nous et nous devrons atteindre au moins la moyenne de leurs résultats pour être retenu : voilà le défi qui nous attend.

    Le jour J, toujours sur du temps bénévole et dans la même salle municipale, nous passons l’interro écrite et on tourne deux fois un quart d’heure  sur chacun des trois ateliers (peut être pour tester notre endurance), par groupes de trois ou quatre. Le premier, nommé « Equi-bac », est conçu pour tester le travail en équipe…But du jeu : remplir des bacs à glaçons avec des bouchons d’oreilles de différentes couleurs, selon un schéma qui circule entre nous. Petit bémol, l’atelier doit se faire avec des gants en plastique (comme pour la vraie hygiène alimentaire) mais manipuler des bouchons d’oreille avec des gants relève du défi... Et attention, des fois le schéma des couleurs change... Et voilà synthétisé le travail à la chaîne, tout ça chronométré, et à la fin, on range tout. Belle réflexion sur l’inutilité de travailler.

Un diplôme en cadeau

Le deuxième atelier  est dans la même veine. L’objectif est d’assembler des languettes de bois colorées et de les répartir selon un schéma. Lorsque le temps imparti est écoulé, chacun change de place et vérifie le travail de l’autre. Le bonheur de chercher la petite bête pour dénoncer ton voisin ! Mais cool, dans mon équipe, on ferme sa gueule. Il ne nous reste plus que le dernier atelier : le contrôle qualité. D’abord, on doit vérifier des listes de codes-barres et des logos pouvant être justes, incomplets ou avec défaut. Il y a environ 25 pages de 20 codes-barres. On a 10 minutes. Ensuite, armés de feutres de couleurs et de pages de logos, il s’agit de marquer d’autres figures selon des légendes. Que du bonheur ! Voilà, après être passé deux fois à chaque atelier, on peut partir. Il n’y a plus qu’à attendre les résultats, qui, s’ils sont bons, donnent droit à un joli diplôme (envoyé en courrier express par la Poste, ce qui est cher pour pas grand-chose) et surtout à l’entretien.

Grâce à mes résultats plutôt bons, j’ai pu passer à la phase deux : l’entretien. Celui-ci s’est déroulé en 10 minutes pour vérifier que j’ai bien une voiture et que je suis d’accord pour les trois huit ou les quatre huit, ainsi que pour la semaine de bénévolat. Pas de visite du site à ce moment là, ce sera plus tard. Pôle Emploi a beau affirmer que ce dispositif est innovant et non discriminant, si par malchance votre employeur est raciste, il se peut qu’à la fin de l’entretien il vous dise au revoir. Moi c’est ma désinvolture qui ne m’a pas permis d’atteindre la troisième étape et donc de refuser le travail gratuit. En effet, j’avais oublié d’aller cliquer sur Internet pour m’actualiser et j’ai donc été radié aussi sec. J’avais stupidement pensé que participer à ce genre de cirque suffisait. Raté. S’en suit un coup de fil désolé de la responsable invitant à me réinscrire en urgence…

Enfin, un mi-temps pépère ailleurs m’est proposé, hors cadre de Pôle Emploi, que j’accepte. Tout ça pour rappeler également que la Franche-Comté est pionnière dans un autre dispositif qui va être étendu nationalement afin de faire baisser le nombre de chômeurs : la radiation expresse !

Un ex-chômeur heureux


Cet article a initialement été publié dans le magazine Lutopik numéro 9, paru en décembre 2015. Vous pouvez commander votre numéro (4 €) ou vous abonner (15 €) sur cette page.

Commentaires

Je pense qu'il faut quand même souligner que ce type recrutement a pour but de mobiliser aussi les entreprises. Pôle emploi veut aussi montrer aux recruteurs que d'autres mode de recrutement sont possibles. Il est facile de dire qu'on ne trouve pas de main d'œuvre qualifiée, mais lorsqu'on imagine avec les recruteurs le type de test à réussir, on s'aperçoit que le nombre de candidats capables d'être embauché et plus important que ce l'entreprise pensait. Autrement dit les entreprises surqualifient parfois les compétences necessaires

Bravo ! Quel talent ??? habileté à dénigrer de manière simpliste et non objective une méthode de recrutement qui a prouvé quand on l applique dans les règles de l Art qu'elle est un outil de Pôle Emploi qui fonctionne ...Merci Georges Lemoine !!! Je note beaucoup d informations fausses au passage ...sans rancune.