ZAD : Occuper pour résister

Depuis quelque temps, un mot revient souvent sur les lèvres et sur les murs : ZAD. Ces initiales signifient Zones d'Aménagement Différé, des secteurs où l’État souhaite acquérir des terres pour y implanter une infrastructure. Pour cela, il dispose d'un droit de préemption sur toutes les ventes. La plus célèbre des ZAD est Notre-Dame-des-Landes. Il y a quelques années, ceux qui occupaient là-bas des cabanes et des maisons ont réinventé l'acronyme. Pour beaucoup, ZAD signifie désormais Zone à défendre.

En 2012 dans le bocage nantais, lorsque la police tente d'expulser les occupants de Notre-Dame-des-Landes,­ un élan de solidarité parcourt la France et dépasse les frontières. Des milliers de personnes arrivent en renfort pour épauler les habitants et les « zadistes » qui défendent une zone sensible en empêchant la construction d’un aéroport. La création de nombreux comités de soutien et la médiatisation de cette lutte la popularisent. Le slogan « la ZAD est partout » se diffuse et devient emblématique de la volonté croissante de se réapproprier les terres où les autorités veulent implanter « un grand projet inutile ». Ces mots, eux aussi bien ancrés dans le langage militant, se réfèrent à toutes les constructions à la fois jugées néfastes pour l'environnement, imposées par la puissance publique et porteuses d'une urbanisation excessive. Dans différents lieux, l’opposition s’organise, plus ou moins sur le modèle de la ZAD « historique », pour occuper ces espaces et les protéger du bétonnage et des appétits voraces de quelques grosses sociétés soutenues par l’État.

Bien sûr ce n'est pas nouveau, on se souvient de la lutte menée au Larzac dans les années 70 contre l'extension du camp militaire sur le plateau. Ce qui l'est, c'est peut-être la conscience de plus en plus importante d'une nécessaire convergence des luttes face aux logiques capitalistes, elles aussi globales. Les opposants de Notre-Dame-des-Landes précisent bien qu'ils se battent « contre l'aéroport et son monde ». Pour beaucoup de zadistes qui enracinent leurs luttes dans un territoire précis, l’abandon local de tel ou tel projet ne signifiera pas une victoire complète.

Le souffle de la contestation façon ZAD atteint le Morvan en février dernier lorsque la préfecture envoie des bûcherons couper les premiers arbres du bois du Tronçais pour laisser la place à une scierie-incinérateur. Le jour même, la résistance s’organise. Des cabanes et un dortoir sont montés dans un champ voisin et l’occupation débute. C'est ensuite à Avignon que des gens affluent sur des terres maraîchères pour les squatter et les cultiver dans le but d’empêcher la construction d’une liaison routière en lieu et place de la ceinture verte de la ville.  Des ZAD fleurissent aussi à Lyon (pour lutter contre un stade de foot), vers Alès dans le Gard (contre un terrain de golf), à Limoges (contre un parking), à la ferme des Bouillons du côté de Rouen (contre un centre commercial)… D'autres endroits ne s'identifient pas aussi explicitement au « mouvement ZAD », mais utilisent l’occupation d’un lieu comme moyen de lutte. C’est le cas de la maison de résistance au nucléaire à Bure (village lorrain choisi pour accueillir la poubelle nucléaire), ou encore de la grange de Montabot contre les lignes à Très Haute Tension (THT) qui parcourent la Manche pour acheminer l’électricité du futur EPR de Flamanville. À nos frontières, le mouvement No Tav, contre la ligne TGV Lyon-Turin, a pris une ampleur importante du côté italien, avec une occupation permanente du Val de Suze depuis 2005.

Habiter sur une ZAD, pour quelques jours ou quelques années, c’est l’occasion d’expérimenter un autre mode de vie. Construction d’habitats, récupération de nourriture et de matériel, cultures maraîchères ou céréalières, etc. rythment les journées. Ceux qui vivent sur place s’organisent avec les moyens du bord et redécouvrent l’autogestion. Les ZAD deviennent ainsi de nouveaux lieux d’expérimentation de la vie en société. Pour Nicolas, souvent sur la ZAD du Morvan, celle-ci permet d’« aller chercher ce qui nous appartient sur d’autres grilles de lecture que celle des syndicats, des politiciens. On se repolitise, dans le sens où l’on souhaite retrouver un rôle dans la gestion de notre territoire ».

Les ZAD regroupent des gens très différents, de l’élu à l’anar, et du militant de passage au voisin en quête de convivialité. Certains adhèrent à une association de protection de l’environnement ou d’opposition au projet donné, d’autres sont des électrons libres. « Ici, ce n’est pas comme chez Greenpeace. Lorsqu’on veut faire une action, il n’est pas nécessaire dans référer au comité national et d’attendre un retour. On est plus efficace, plus rapide », explique un militant rencontré à Notre-Dame-des-Landes. Revers de la médaille, il est parfois difficile de mener des actions communes entre personnes d’opinions éloignées. Ainsi, à Notre-Dame-des-Landes, les divergences sont légion entre les « zadistes », qui sont arrivés pour squatter les terrains menacés, et l’Acipa, l’association de riverains. Mais face à l’enjeu commun de protection du lieu, la solidarité finit généralement par l’emporter.

Commentaires

Merci pour ce travail de témoignage des collectifs sui s'organisent pour que cela change. Le vieux slogan est encore d'actualité : "Ce n'est qu'un début, continuons le combat"

Merci pour ce travail de témoignage des collectifs qui s'organisent pour que cela change. Le vieux slogan est encore d'actualité : "Ce n'est qu'un début, continuons le combat"