40 ans à Notre-Dame-des-Landes, six mois sous l’œil des flics

Guy et Sylvette Menet ont retrouvé un calme tout relatif. Ce couple de retraités, qui habite sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes depuis plus de 40 ans, a subi de très près l'occupation policière pendant six mois. Depuis novembre 2012, les gendarmes mobiles bloquaient la circulation sur le carrefour de la Saulce, à deux pas de leur maison. Une cohabitation éprouvante qui a pris fin il y a quelques semaines.

Guy et Sylvette Menet se sont installés à Vigneux-de-Bretagne, une commune frontalière de Notre-Dame-des-Landes, en 1972. Férus de nature, ils ont acheté une petite maison située à l’orée d’un bois, surtout pour le cadre. Mais aujourd’hui, plus question de promenades en forêt. « Ça fait trop mal au cœur », explique Sylvette. Dans le bois, des arbres arrachés par les engins de destruction pourrissent à terre, des restes de grenades jonchent le sol, des vélos tordus et des tentes lacérées par la police émergent de la boue. Ce sont les traces des mois de lutte qui se sont joués ici, sous leurs fenêtres.

Les Menet habitent un point stratégique de la ZAD, la Zone d’Aménagement Différé prévue pour le deuxième aéroport nantais, devenue la Zone à Défendre pour les opposants au projet. Devant leur maison, un carrefour permet de rallier l'est, l'ouest et le nord de la ZAD. Derrière, une petite forêt abrite oiseaux, tritons et autres habitants de cette zone humide. En 2009, alors que les premiers zadistes arrivaient pour empêcher la destruction des lieux menacés par les promoteurs de l’aéroport, une poignée d’entre eux est venue s’installer dans ce bois. Ils ont construit des cabanes dans les arbres et y ont vécu jusqu’à ce qu’ils se fassent déloger à l'automne 2012 par la police à grand renfort de tronçonneuses et de tractopelles. « Le voisinage s’est très bien passé. On a gardé contact avec plusieurs d’entre eux », rapporte Sylvette.

Une pression constante

Ce sont les squatteurs suivants, les gendarmes mobiles, qui ont posé problème. Ils ont débarqué une nuit de novembre 2012 par centaines, pour investir le carrefour. Durant presque six mois, les Menet ont subi cette omniprésence policière. « Il y avait des flics partout, tout était bouclé. Ils vérifiaient notre identité constamment, tentaient de fouiller le véhicule régulièrement », rapporte Guy. La gêne est quotidienne ; quatre fois par jour, c’est la relève. Les 120 hommes d'un escadron partent, ils sont remplacés par un autre. Les véhicules manœuvrent bruyamment pendant de longues minutes : des portes claquent, des bips de recul incessants se font entendre dès que l’hélicoptère se tait. Souvent, les Menet se retrouvent bloqués chez eux à cause des camions qui stationnent devant leur portail. « J’étais stressée tout le temps », témoigne Sylvette. À ces nuisances s’ajoutent des problèmes d’hygiène : les policiers n’ont pas de toilettes, c’est donc devant la maison quand ce n’est pas dans le jardin, qu’ils viennent se soulager. Les éboueurs ont du mal à passer et les déchets s’accumulent sur les bas-côtés. Et puis, les nuits, il y a la lumière. Au moindre mouvement, les flics éclairent la maison avec leur projecteur.

À chaque fois que la situation se tend sur la ZAD, le jardin des Menet est envahi par les gendarmes et les zadistes. Ils courent sous les fenêtres, les grenades lacrymo ne tombent pas loin, et les fumées entrent dans la maison par les fenêtres restées ouvertes. Plusieurs jours après les combats, les herbes sont encore polluées par les gaz, provoquant des plaques rouges sur la peau. En période plus calme, les provocations sont légion. Les forces de l’ordre ont ainsi enlevé une banderole que la famille avait installée dans le jardin, sous prétexte qu'elle pouvait causer des accidents. « Nous sommes allés la rechercher dans leur camion », s'amuse Guy Menet. Un grand panneau de l’Acipa, l’association anti-aéroport des riverains, a aussi disparu, et leur parabole a été tordue.

Le barrage policier isole les Menet. Les liens avec le reste de la ZAD, comme avec l’extérieur, sont coupés. Le kiné s’est fait escorter pour parvenir jusqu’à leur domicile, leurs enfants n’ont pas toujours pu arriver pour manger, les amis ne viennent plus. « Dès qu’on faisait quelque chose, ils venaient voir. Ils nous mettaient la pression constamment. C’était pesant », résume le couple. « L’objectif, c’était qu’on s’en aille », analyse Guy.

Sous la menace d’une expulsion

Car le couple fait partie des irréductibles habitants de la ZAD qui ne veulent pas déménager. Pour Guy, le projet d’aéroport ne se fera pas. « La loi sur l’eau les empêche de le faire. Juridiquement, le projet ne peut pas tenir. Il est en infraction concernant la réglementation sur les zones humides et les obligations de compensation écologique », explique-t-il. Les Menet choisissent donc de rester, malgré les décisions de justice. Dès 2011, ils sont démarchés par « un émissaire de Vinci » qui leur fait une proposition amiable d’achat. Ils refusent. Quelques mois plus tard, en début d’année 2012, un cabinet privé revient accompagné par un fonctionnaire de l’État et fait une estimation de la maison. « La somme était très en dessous du prix du marché. Et puis de toute façon, on n’était pas vendeurs ». En juin 2012, c’est le juge d’expropriation qui se déplace jusque chez eux, « escorté » par des zadistes. Il fait une nouvelle proposition, à nouveau refusée, et fixe la date de l’audience au tribunal, en septembre. Une dizaine d’autres propriétaires sont concernés. Finalement, après une énième proposition d’AGO (la société Aéroport Grand Ouest, dont Vinci est majoritaire), le tribunal envoie une proposition par courrier. Ils n’ont qu’à signer pour toucher l’argent. En concertation avec leur avocat, les Menet refusent et laissent passer le délai de réponse. Ils restent donc dans leur maison, sans trop savoir s’ils en sont encore propriétaires. « On fait comme si on était encore chez nous ».

Depuis la mi-mai, les gendarmes mobiles ont quitté les lieux, laissant derrière eux des sacs-poubelle et des fragments de grenades. À la place des fourgons, un point info en bois et en tôle a été construit. Son nom : « Carrefour libéré ». Les zadistes du bois voisin n’ont pas reconstruit de cabanes dans les arbres, pour éviter que la police ne revienne provoquer de nouveaux dégâts dans la forêt. Mais avec la fin des barrages, ils ont pu retourner voir les Menet. Entre eux, l’entente est excellente. Chacun prône la complémentarité. « Au niveau de l’Acipa, nous sommes légalistes. Les zadistes, eux, ont beaucoup plus embêté les flics que nous. En respectant tout, on n’obtient rien. Je ne pourrais pas vivre comme eux, mais il y a des choses à partager, à apprendre », conclut Sylvette.

Sonia

 

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Commentaires

felicitation de ne pas avoir vendu et de faire de la résistance a tous ses grands groupes et pour un aeroport qui ne servirait à rien et encore bravo a vous

Point de vue très intéressant. J'admire ceux qui résistent ici ou là, et vous qui témoignez...!

Bravo de tenir bon

Bravo à vous, et que la paix revienne autour de chez vous !

Le joli pot est parti. Bonne réception, en espérant qu'il vous fera oublier tous vos tracas.

Hé,Hé! Je suis plutot favorable à l'aéroport de Notre-Dame-Des-Landes. Sortir un aéroport d'une zone urbanisée est une bonne chose pour de multiples raisons. Donner un outil de développement à une région également.Je ne sais pas si le projet est bien pensé mais j'ai l'impression que les opposants ne le connaissent pas mieux. L'argument "l'aéroport ne servira à rien", c'est du flan. Cet argument fumeux je l'ai entendu maintes fois à propos de projets d'intérêt général qui fort heureusement ont été réalisés. Au secours, les opposants systématiques me donnent des boutons d'allergie.

A propos quand vous êtes allés en Turquie,au Caire, au Maroc, vous y êtes allés en pédalo ou en avion?

Bouvreuil, j'apprécie vos remarques pertinentes, votre style net sans fautes d'orthographe...ces "opposants à tout" n'ont pas dû aller à l'école bien longtemps...et je pense comme l'indique l'édito du premier numéro qu'ils ne doivent pas se lever chaque jour pour aller au travail ...RMI, RSA...Au nom de l' indépendance originale ce magazine me semble être un magazine pour un public de "zippies"...