La coca, une plante sacrée depuis 5000 ans

Lors d’un voyage en Amérique latine j’ai découvert une petite feuille qui occupait une place immense au sein des sociétés andines. L’Occidental que je suis comprit que la feuille de coca n’est pas du Coca-Cola, et encore moins de la cocaïne. La tradition qui l’entoure et ses usages en sont même l’exact opposé.

Les peuples précolombiens utilisent la feuille de coca depuis au moins 5.000 ans et la considèrent comme une plante sacrée et dotée d'une symbolique protectrice. Les yatiris, les guérisseurs traditionnels, la place au cœur de leurs rites.

Les étapes majeures de la vie, comme la naissance, le mariage et la mort s’accompagnent toujours d’offrandes et de mastication de feuilles. Le partage de la coca est un signe de fraternité. Elle aide aussi à supporter la faim, les longues marches en altitude et un travail épuisant. La coca est une composante essentielle de la culture andine.

Ses fonctions nutritive et médicinale ne sont plus à prouver depuis que des recherches effectuées en 1975 à l’université de Harvard ont démontré que la coca est l’un des aliments les plus riches. Les universitaires concluent que 100 gr de feuilles mâchées par jour représentent un apport équilibré en nutriments pour un adulte pendant 24 heures. La mastication n'a aucun effet secondaire indésirable et elle facilite une assimilation plus complète des autres aliments. Contrairement au café, thé, guarana et autres qui puisent dans nos propres ressources, la coca fournit un apport. Avec un café on se sent éveillé, après cinq, c'est l'épuisement. Ses qualités énergétiques favorisent l’effort et la respiration et elle augmente le nombre des globules rouges. Nous nous nourrissons d'oxygène et d'aliments, la coca apporte les deux, il n'y a donc pas de fatigue induite par la consommation de coca, ce qui fait de cette feuille le seul stimulant bénéfique pour le corps.

Sa culture adaptée aux zones tropicales en fait un atout pour le développement de la région. Elle peut se récolter quatre fois par an, elle est résistante aux maladies et demande peu d’entretien, car le sol est parfaitement adapté pour elle. Les conquistadors remarquèrent l’ensemble de ses vertus et ne l’interdirent pas, malgré la pression de l’Église catholique qui n'appréciait guère son attribut de plante sacrée. Ils l’utilisèrent pour rémunérer les millions d’Indiens exploités dans les mines d’argent et le cours de l’argent devint même interdépendant du cours de la coca. Ce n’est qu’à partir du XIXème siècle que les Occidentaux s’approprièrent son utilisation et commencèrent des recherches à son sujet.

Une révolution pour la médecine chirurgicale

C’est d’abord un chimiste corse du nom d’Angelo Mariani qui, en 1863, créa le vin « Mariani », une macération de feuilles de coca dans du Bordeaux. Ce vin était célèbre dans le monde entier. Du pape au président des États-Unis, en passant par Zola ou la reine Victoria, beaucoup louèrent ses vertus gustatives et tonifiantes. Une vingtaine d’années plus tard, John Pemberton s’inspira de ce vin pour lancer une boisson à base de coca et de noix de kola. Il en retire l'alcool au moment de la prohibition aux États-Unis. Coca-Cola était né. Aujourd'hui le soda ne contient plus de cocaïne non plus, mais la coca est toujours utilisée pour sa saveur. Une firme importe des feuilles de coca pour fournir à Coca-Cola exclusivement de l'extrait de coca sans principes actifs. La cocaïne produite est vendue à un groupe pharmaceutique.

En 2005, des Indigènes colombiens sortent Coca-Sek, une boisson à base de feuilles de coca. Très vite, Coca-Cola obtient le retrait de son concurrent sous prétexte que la boisson viole la convention de 1961 sur les stupéfiants. Le géant américain se cache derrière le secret de sa recette et ne confirme pas l'utilisation de feuilles de coca, même si les analyses chimiques prouvent que la formule en contient. Les Indigènes n'ont donc pas le droit de commercialiser une boisson avec leur plante alors que Coca-Cola est le seul à pouvoir utiliser les feuilles de coca légalement dans le domaine agro-alimentaire.

La coca a donné naissance à la boisson la plus populaire du monde, mais aussi à une drogue très prisée. La cocaïne est l'un des quatorze alcaloïdes contenus dans la feuille de coca et en représente 2 %, comme la caféine dans le caféier. C'est sur la cocaïne que se sont concentrées les recherches scientifiques. Pour Sigmund Freud, elle stimule le système nerveux. Il l'apprécie tant qu'il sera l’un des premiers consommateurs de cocaïne récréative de l'histoire. Selon lui, elle permettait de lutter efficacement contre les états mélancoliques, les dyspepsies (douleurs gastriques) et les hypochondries. Un autre scientifique allemand découvrit le pouvoir anesthésiant de la cocaïne. Les médecines chirurgicales en furent alors révolutionnées.

En 1961, la feuille de coca est inscrite sur la liste des stupéfiants et des plantes psychotropes de l’ONU. Dix ans plus tard, l'Organisation des États Américains (OEA) interdit sa culture, sa consommation et son commerce. Comprenons bien que c’est la cocaïne qui est visée en tant que drogue. Or cette substance est presque entièrement détruite et devient inopérante lors de la mastication traditionnelle. Le problème sanitaire causé par ce produit concerne avant tout le monde occidental, mais c'est en Amérique du Sud que la guerre contre la cocaïne provoque des dégâts. Condamner la coca pour la simple raison qu’elle sert à fabriquer la cocaïne reviendrait à interdire le fer sous prétexte qu’il sert à fabriquer des mines antipersonnel.

Soncoyman et Le Cogn'acier

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