En Palestine, des oliviers contre le mur

Fayez Taneeb est venu crier sa rage. Agriculteur à Tulkarem, en Cisjordanie, nous l'avons croisé lors de l’une de ses étapes en France en mai dernier où l’association Génération Palestine l’avait invité. Il voyage pour faire connaître sa situation et celle des paysans palestiniens, devenue invivable depuis l’édification du mur israélien.

« Ce mur a tué certains de nos concitoyens, a détruit une partie de nos maisons, partagé les familles, et appauvri nombre d’entre elles en ôtant aux Palestiniens 37% de leurs terres agricoles, passées du côté israélien », explique Fayez Taneeb en guise d’introduction à l'une de ses nombreuses interventions à travers le monde. La « clôture de sécurité israélienne » ou « barrière anti-terroriste » pour les uns, « mur de la honte ou de l'apartheid » pour les autres, est en cours de construction par Israël depuis 2002, malgré une condamnation de l’Assemblée générale des Nations unies. « L’édification du mur qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, et le régime qui lui est associé, sont contraires au droit international », note la Cour Internationale de Justice dans son avis rendu en 2003. Pourtant, la construction s’est poursuivie avec des conséquences terribles pour les habitants de Cisjordanie. Si l’armée israélienne accorde bien de rares permis pour qu’une poignée de Palestiniens puissent continuer d’exploiter leurs terres, ces autorisations sont insuffisantes et soumises à des conditions très rudes. « Les portails sont ouverts trente minutes le matin, et trente minutes le soir. Donc si un paysan va sur sa terre le matin, il ne peut pas sortir avant le soir. Si jamais il lui arrive quelque-chose, il est livré à son propre sort ».

Lorsque le mur a coupé en deux son terrain, en 2002, Fayez Taneeb est entré en rébellion. Estimant ne pas pouvoir compter sur le pouvoir palestinien, il décide, avec d’autres paysans, de se défendre seuls. Leur stratégie s’articule autour de deux axes : l’organisation de manifestations en Palestine et la communication internationale pour faire savoir au monde « ce qu’il se passe ici ». Avec la campagne BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), ils appellent au boycott des produits israéliens, espérant que « comme en Afrique du Sud pour l’arrêt de l’Apartheid, cet action peut être un procédé efficace pour obliger Israël à respecter les lois internationales ». Durant sa « tournée », Fayez Taneeb tente aussi de récolter des fonds pour financer la plantation de nouveaux arbres. Car la construction du mur a entraîné la destruction d’un million d’oliviers, sources de revenus pour de nombreuses familles palestiniennes et considérés comme des arbres presque sacrés à la fois par les musulmans et les juifs. « Ces oliviers offriront un revenu aux familles, et rétabliront l’équilibre des écosystèmes, très perturbés par la construction de ce mur », espère-t-il. Il souhaite en replanter le même nombre.

L’Union Européenne apporte une aide financière à la Palestine, mais Fayez Taneeb la refuse. « Je ne veux pas d’une aide pour manger. Il faut une aide qui donne à la Palestine les moyens de produire elle-même ce dont elle a besoin ». Il dénonce aussi l’utilisation de ces aides, dont la plupart servent selon lui de salaire aux autorités palestiniennes. « Rien que dans les services de sécurité, il y a entre 70 et 80.000 employés. Et pourtant, cela n’empêche pas que je puisse être arrêté à n’importe quel moment par l’armée israélienne », constate-t-il.

En plus du mur, Fayez Taneeb se bat aussi contre une usine chimique israélienne installé en territoire palestinien après avoir été interdite sur le sol israélien. « Avec le vent, toute la pollution arrive sur Tulkarem », rapporte-t-il. Avec ses voisins, l’agriculteur a porté plainte contre le directeur de l’usine, ce qui n'a rien donné.  Les 800 agriculteurs israéliens, quant à eux, sont allés voir le directeur qui leur a promis d’arrêter l’usine pendant les 40 jours de l'année où les vents inverses emportent les rejets toxiques sur les terres israéliennes. « L’usine pose un problème au point d’arrêter les machines durant 40 jours pour ne pas intoxiquer les 800 colons Israéliens, mais polluer l’environnement de 70.000 Palestiniens plus de 300 jours par an, ce n’est pas un problème », constate, amer, Fayez Taneeb.

Sonia