Le camion, notre maison !
A 32 ans, David a presque 15 ans de vie sur les routes derrière lui. Cueillettes, manutention, restauration, il a exercé des dizaines de métiers un peu partout dans le monde. « Cette vie de traveler, c’est ce qu’il y a de plus beau mais aussi de plus dur », estime-t-il.
A 18 ans, son bac en poche, David choisit le voyage comme mode de vie. « Pour marcher sur mes mots », comme il dit, « être en adéquation avec ce que je pense » : une vie dépouillée du superflu, plus en lien avec la nature, où le système D est synonyme d’autonomie et la musique partie intégrante du voyage. De festivals en travaux saisonniers, il commence par parcourir la France en voiture, avec l’envie « d’aller voir ailleurs commence ça se passe, de vivre autrement ». Rapidement, il acquiert une vieille caravane dans laquelle il embarque sa chienne, « sa compagne de route des débuts » et il enchaîne les saisons : restauration l’hiver dans les Alpes, fraises au Danemark l’été, etc. S’il vit en itinérant, il ne se considère pas nomade. « Quelqu’un m’a dit un jour, et il avait raison, que je ne suis pas nomade. Je suis libre. Le nomade, il est là où il est. Il compose avec ce qu’il y a sur le lieu. Le traveler, le saisonnier, il aime partir, mais il aime aussi revenir ».
Pendant six ans, il voyage de travail en travail, enchaîne les saisons avec seulement un mois et demi de coupure entre l'été et l'hiver. Il troque sa caravane contre un camion et transmet son virus du voyage à ses deux frères, qui l’un après l’autre deviendront propriétaires de ce camion lorsqu’il en changera. Puis « avec la mère de mon fils, j’ai pris conscience que je travaillais tout le temps ». Il lève le pied, et tous les deux s’accordent trois ans de vacances, toujours sur les routes : Espagne, Maroc, Réunion, Norvège, ils vont jusqu’au cercle polaire. « On avait le plus petit appart' du monde, mais le plus grand jardin ». La vie sur les routes est intense. « Chaque jour est différent. Dès que tu arrives sur un endroit il faut trouver comment faire pour se procurer les choses, c’est un éternel recommencement, même s’il y a une gymnastique qui se fait vite. Vivre avec pas grand-chose, faire de la récup’, ça devient automatique ». Le voyage aiguise la conscience, à commencer par celle du gaspillage de nos sociétés modernes du tout-jetable. Il met en lumière l’importance des échanges de savoir-faire, d’expériences. Réparer un moteur, trouver de l’eau, cuisiner ce qu’on trouve, il faut pouvoir tout faire pour poursuivre la route.
Voyage en famille
En 2009, la famille s’agrandit avec l’arrivée de Tao. Le petit garçon naît en hiver, et pour éviter qu’il ne passe ses premiers mois dans le camion parfois froid, David et Kro fabriquent une yourte qu’ils installent sur un terrain appartenant à leur famille. Ils l’habiteront six mois avant de repartir sur le bitume, alternant saisons et voyages. Mais à trois, plus deux chiens et deux chats, dans le camion de 15 m2, « c’est difficile ». Et la naissance de Tao soulève de nouvelles questions : « il faut penser à son éducation sociale, au besoin d’avoir un lieu où construire des souvenirs ».
La séparation du couple marque l’entrée dans une phase difficile. « Je comparais l’intérêt du voyage et celui de rester sur place ». Pour voir Tao régulièrement, qui vit dans le sud de la France avec sa mère, David raccourcit les voyages, envisage de se poser. « Mais quand tu es sur les routes depuis quelques années, ce n’est pas facile de s’arrêter. Il faut trouver l’endroit, les gens ».
Aujourd’hui, il est provisoirement installé sur un terrain qu’il partage avec deux amies, sur lequel il a posé son camion. Le voyage a pour lui un peu changé de sens. « Le voyage, ce n’est pas forcément se déplacer, c’est découvrir. Ca peut se vivre dans la famille, autour d’un projet, etc. Le voyage est peut être juste devant moi ». Son idéal aujourd’hui : « vivre en famille, en étant gardien d’une parcelle de terre tout en continuant à voyager avec des projets, quelque chose à apporter ». Malgré les moments difficile, voyager, « c’est la plus belle chose qui me soit arrivée », estime David.
Sonia
Cet article est tiré du dossier "Nomades d'aujourd'hui", publié dans Lutopik numéro 4. Ce magazine papier fonctionne sans publicité ni subvention et ne peut continuer d'exister que grace à ses lecteurs. Si vous appréciez Lutopik, vous pouvez vous abonner, commander un exemplaire (rendez-vous ici) ou nous faire un don.
Commentaires
Beaucoup de rêves, de courage
Bonjour, j"ai commencé à
Bonjour,
J'y pense de plus en plus et
Vos temoignages donnent des