Faire l’école à la maison

education.jpgL’école n’est pas obligatoire, c’est l’instruction qui l’est. Lorsque les enfants ou les parents n’y trouvent pas leur compte, il y a une solution : faire l’école à la maison. 

Pour les parents qui choisissent de faire l’école à la maison, il s’agit le plus souvent de respecter le rythme de l’enfant ou de le soustraire à une institution dans laquelle il a rencontré des problèmes. Mais on trouve aussi des parents qui estiment que l’école n’est pas assez rigoureuse, des familles qui voyagent ou qui habitent loin d’une école, des motivations religieuses, des enfants handicapés qui n’ont pas pu obtenir de place dans un établissement, etc.

Le ministère de l’éducation estime qu’en France 3.300 enfants entre 6 et 16 ans sont instruits en famille, mais il ne tient pas compte des élèves inscrits au CNED qui suivent leurs cours par correspondance. Pour les associations de familles, il y en au moins cinq fois plus. Les enfants instruits à la maison ne sont pas tenus de suivre le programme scolaire. Leur seule obligation est de maîtriser à 16 ans le « socle commun de connaissances ». Certains parents choisissent de respecter le programme à la lettre tandis que d’autres, à l’inverse, privilégient les apprentissages autonomes, c’est-à-dire laissent le temps à l’enfant d’apprendre lorsqu’il est prêt et demandeur, souvent au gré des évènements et rencontres de la vie quotidienne. Entre les deux, de nombreuses familles s’appuient sur le programme tout en prenant des libertés par rapport à l’ordre et au rythme des apprentissages. Au final, « il y a autant de façons d’instruire que de motivations pour faire l’école à la maison », souligne Gwenaële Spenlé des Enfants d’abord, une association qui représente 500 familles faisant l’école à la maison.

Les familles qui font ce choix sont confrontées à de nombreuses interrogations : quelle pédagogie adopter ? Comment maintenir une socialisation des enfants ? A quelles procédures administratives se plier ? Elles doivent aussi faire face à l’incompréhension de leurs proches et affronter l’éducation nationale qui voit parfois d’un mauvais œil la déscolarisation. Les différentes associations de familles leur permettent de se rencontrer, regroupent les informations utiles et, pour les plus importantes, proposent un soutien juridique.

En effet, chaque année, l’inspection académique effectue un contrôle pour évaluer la progression de l’enfant. Or, ces contrôles « sont souvent mal vécus par les parents et donnent régulièrement lieu à des procédures juridiques », explique Gwenaële Spenlé.  Alors que le contrôle devrait « porter sur la réalité de l’instruction dispensée à l’enfant au sein de la famille », certains inspecteurs vérifient les acquis de l’enfant par rapport à ses camarades scolarisés du même âge. Lorsque les parents pratiquent l’apprentissage autonome, ces contrôles se soldent généralement par de mauvaises notes. L’enfant peut se sentir en échec et les parents sont soupçonnés par l’éducation nationale de ne pas remplir leur mission. Un second contrôle est alors organisé et s’il est à nouveau négatif, il peut déboucher sur une injonction de re-scolarisation. « Les condamnations sont très rares. Il y a environ une obligation de retour à l’école par an », indique Pacal Baffert, membre de LAIA, une autre association d’aide aux familles instructrices. Si les familles ne remettent pas en cause la nécessité d’un contrôle, elles souhaiteraient cependant qu’il soit plus collaboratif. Pour cela, certaines associations réclament la création d’un corps d’inspecteurs académiques formé au contrôle des enfants pratiquant l’instruction en famille. 

Malgré ces difficultés, l’école à la maison offre de nombreux avantages : plus de temps libre pour pratiquer des activités sportives et artistiques, de nombreuses occasions de rencontrer des personnes diverses, la possibilité de confronter au réel tout en évitant de développer dès le plus jeune âge le sens de la compétition… Solveig, 14 ans et faisant l’école à la maison dans l’Aube, peut ainsi consacrer plusieurs heures par semaine à la musique, sa passion. La socialisation n’est pas un problème puisqu’elle rencontre de nombreux jeunes de son âge au conservatoire et pendant ses stages de musique. Pour certains parents, comme ce couple d’agriculteurs dans la Nièvre qui a fait l’école à la maison à ses trois enfants jusqu’à la fin du niveau collège, cette pratique permettait « de ne pas leur faire perdre leur enfance » avec des longs trajets en bus et une institutrice locale défaillante. Deux de leurs enfants ont poursuivi leurs études après le lycée, le troisième préférant arrêter à l’issue du lycée pour devenir agriculteur. Le plus important est « qu’ils sont heureux, avec l’envie de faire des choses », estiment leurs parents.


Une pratique menacée

Une proposition de loi déposée en décembre 2013 par des sénateurs UMP vise à « limiter la possibilité d’instruction obligatoire donnée par la famille à domicile aux seuls cas d’incapacité », au motif qu’elle contribue à « la montée du communautarisme dans les cités ». Bien que les sénateurs se défendent de vouloir « porter atteinte au principe constitutionnel de libre choix éducatif des parents », une telle loi marquerait la fin de l’instruction en famille. Si les associations se mobilisent, elles ne s’alarment toutefois pas. « Tous les deux ou trois ans on a des propositions de loi qui touchent à l’instruction en famille », indique Pascal Baffert. Celle-ci n'ira d'ailleurs pas plus loin : elle a été retirée du calendrier parlementaire en mars dernier.

Sonia


Cet article est tiré du dossier "Pour une école émancipatrice", paru dans le magazine papier numéro 3 sorti en mars 2014. Pour commander ce numéro, c'est ici

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